J'ai peur du noir

ANNA COGNET In Le journal des professionnels de la petite enfance n° 72- sept/oct 2011

Il y a au fondement des peurs du noir, de la solitude, des étrangers, des grands animaux des raisons instinctives et logiques de protection que nous partageons avec nos ancêtres de la Préhistoire.
Dans la pénombre que l'on soit enfant ou adulte, nos repères ne sont plus les mêmes. Nous sommes tous désorientés dans l'obscurité, nos réactions sont plus lentes, plus imprécises et nos déplacements sont difficiles.
Mais la peur du noir chez l'enfant ne se résume pas à un instinct de protection.

En effet si l'obscurité est synonyme d'insécurité, il faut comprendre que les peurs de l'enfant préexistent à l'heure du coucher et que la pénombre ne sera que le déclencheur, le prétexte inconscient au déploiement de l'angoisse: dans le noir, ce n'est pas l'obscurité qui fait peur, mais ce qui s'y cache potentiellement, en d'autres termes on a peur d'avoir peur.
La peur du noir est finalement le signe d'un bon développement psychique, puisque toutes les grandes étapes de l'enfance ( complexe d'Oedipe, de castration...) suscitent des angoisses inconscientes que la peur du noir est un bon moyen d'extérioriser.
L'heure du coucher est toujours un moment critique car l'enfant se sent séparé de ses parents, ceux-là même qui le rassurent, certes, mais il doit aussi supporter que ses parents puissent profiter de leur intimité, de leur vie d'adultes sans lui.

Les rites du coucher sont essentiels pour accompagner un enfant inquiet. Il est inutile qu'ils soient trop longs, car les enfants auront de toute façon tendance à les faire traîner en longueur au maximum.
Il vaut mieux que les parents soient clairs à l'avance sur les étapes du coucher et qu'il s'y tiennent pour que ce soit le plus rassurant possible pour l'enfant.
Une source de lumière peut être très importante mais il faut être capable de s'en passer à un moment ou à un autre au cours de l'école primaire.
Afin d'apprivoiser la peur du noir, on peut proposer une activité qui joue sur la question de l'obscurité: cache-cache; colin- maillard... Mais on peut également éteindre la lumière durant le rituel de sommeil ce qui permet à l'enfant d'habituer son regard à l'obscurité et de repérer avec le parent les ombres qui peuvent être inquiétantes.
L'objectif doit toujours être que l'enfant devienne indépendant dans son sommeil: on ne reste pas avec l'enfant jusqu'à ce qu'il s'endorme, on n'accoure pas quand il se réveille la nuit, on ne le laisse pas dormir dans une pièce éclairée comme en plein jour....

Si les angoisses liées au coucher et à l'obscurité deviennent trop envahissantes, persistent passé l'école primaire et constituent un handicap au bien-être de l'enfant, il ne faut pas hésiter à prendre certaines mesures. En priorité consulter un psychologue ou un pédo-psychiatre qui pourra conseiller mais aussi comprendre et soulager cette peur.